17 octobre 1961


Nous sommes le 17 octobre 1961. La guerre d’Algérie n’est pas finie avec son lot de tortures, déplacement de populations, camps de concentration, millions de morts, etc. A Paris, une manifestation pacifique est organisée par le FLN (Front de Libération Nationale), pour dénoncer le couvre-feu auquel les Algériens de Paris sont soumis. Maurice Papon, préfet de Bordeaux sous Hitler/Pétain, puis de Paris sous De Gaulle, belle continuité, donne comme info secrète à la police qu’elle a les coudées franches pour réprimer et qu’elle sera couverte.

Ca a été affreux… les flics tapant sur le ventre de femme enceinte, frappant les enfants, achevant les blessés à coups de crosse, jetant les cadavres, avec des blessés et des vivants, dans la Seine (on en retrouvera plus d’une centaine dans les jours qui suivent entre Partis et Rouen), etc. On estime la tuerie à plus de trois cents morts. Des milliers de blessés, emprisonnés, torturés, renvoyés en Algérie…
En 2007, la Compagnie Jolie Môme sort son album Basta Ya, avec la chanson Manifestation pacifique qui relate cette nuit d’enfer :

Pourquoi a-t-on oublié cette répression bestiale, folle, disproportionnée ?
Quatre mois plus tard, le 8 février 1962, le PCF organise un rassemblement pacifique contre les agissements de l’OAS (Organisation Armée Secrète), groupe fasciste notoire multipliant les attentats dans Paris et défendant l’Algérie française… comme Edith Piaf, qui à la télévision se déclare « pour l’Algérie française »… qui dédie sa chanson Non, je ne regrette rien à la légion étrangère… ha, les tortionnaires, les légionnaires… comme ils sentent bon le sable (imbibé de sang) chaud !

Bref, en ce 8 février 1962, la police de Papon charge de façon démente, encore une fois, et les manifestants fuient, affolés. Ils tentent de se réfugier dans une bouche de métro, à la station Charonne, mais, dans la précipitation, tombent les uns sur les autres, s’entassent, étouffent… Les flics leur tapent dessus sans répit, les insultent, leur jettent de lourds morceaux de fonte qui entourent les arbres. Résultat : neuf morts, des centaines de blessés.
Pourquoi l’histoire a retenu ce deuxième épisode ? Parce que les victimes sont toutes françaises !
En 2006, Médine nous donne sa version personnelle avec 17 octobre :

En 2017, la chorale de Grenoble, Les Barricades, transgresse le Chant des partisans (voir notre rubrique Pamphlets pour cette chanson) et chante 17 octobre 1961. Voir les paroles ci-dessous.

Cet épisode macabre est évoqué diversement par la Brigada Flores Magon, avec Octobre 61, La Tordue, avec Paris oct. 61, Fils du Béton avec 17 octobre 1961, Classik, avec Fleuve rouge, etc.
La question coloniale dans le mouvement ouvrier en France (1930-1962), de Jacques Le Gall, aux éditions Les Bons caractères (2013), donne des infos intéressantes sur l’impérialisme français.
Octobre 1961 : un massacre à Paris, de Jean-Luc Einaudi, aux éditions Fayard (2001), est incontournable.
Il serait intéressant aussi de s’intéresser au massacre du 14 juillet 1953, en plein Paris et qui a donné lieu à trois livres et un documentaire, ces dernières années. Voir toutes les infos sur wikipedia.
Un bon résumé ici :
14 Juillet 1953 : six Algériens et un Français tombent sous les balles de la police – France 24


Paroles
Manifestation pacifique

C’était l’époque des yéyés
Et à Paris comme à Alger
Le week-end c’est sur la piste
Que la jeunesse danse le twist
La mode est à la taille fine
Les blousons noirs portent des jeans
Robes à pois bleus et bigoudis
Au hit parade « Stand by me »

Un voyage autour de la terre
Gagarine s’envoie en l’air
Piaf chante son légionnaire
Le savait-elle tortionnaire ?
Au cinéma des grands boulevards
« Psychose » et « La tulipe noire »
sont à l’affiche ce mardi
Aux côtés de « West side story »

Ils se dirigent vers la ville
Ils sont venus des bidonvilles
St-Denis, Gennevilliers, Nanterre
Enfants, vieillards, familles entières
Dans leur costume du dimanche
Souliers de cuir, chemises blanches
C’était au temps des colonies
Et la nuit tombait sur Paris

C’était l’époque des yéyés
Et à Paris comme à Alger
Le week-end c’est sur la piste
Que la jeunesse danse le twist
En 4L on part en vacances
Anquetil gagne le tour de France
Les rockers draguent les nénettes
Pento, bananes et rouflaquettes

Du 12 au 13 dans la nuit
A Berlin le mur est construit
Et cette année là dans Paris
A l’Olympia chante Johnny
Catherine Deneuve devient blonde
Jeanne, Jules et Jim se jouent du monde
De Gaulle dirige la nation
Léo Ferré chante Aragon

Ils se dirigent vers la ville
Ils sont venus des bidonvilles
St-Denis, Gennevilliers, Nanterre
Enfants, vieillards, familles entières
Et par centaines et par milliers
Ils sont venus manifester
C’est au couvre feu de Papon
Que sans violence ils disent non

C’était l’époque des yéyés
La capitale est quadrillée
Car l’Algérien c’est l’ennemi
Traqué dans les rues de Paris
Collés au mur dans le métro
Mains sur la tête ou dans le dos
Ils disparaissent dans des cars
Les gens détournent le regard

Et la police se déchaîne
Des corps sont jetés à la Seine
Dans la cour de la préfecture
Résonnent les cris les injures
A coups de crosses dans les dents
Au milieu des gémissements
Femmes traînées par les cheveux
Eclats de rire et coups de feu

Ils se dirigeaient vers la ville
Ils arrivaient des bidonvilles
Les morts se comptaient par centaines
Les eaux muettes de la Seine
Les ont emportés dans la nuit
Vers le silence, vers l’oubli
Longtemps après qui se souvient
17 octobre 61
Longtemps après on se souvient
17 octobre 61

Chorale Les Barricades, 17 octobre 1961

Ami souviens-toi de nos frères jetés à la Seine
Ami souviens-toi quand la haine policière se déchaîne
Ohé, compagnons c’est en ton nom que la loi est prononcée
Ce soir exigeons que sans délai les coupables soient jugés.

Montez à Paris, sortez des bidonvilles camarades
Pour notre dignité contre cette oppression : « Ledtihad »
Ce 17 octobre, des milliers d’Algériens manifestent,
La loi d’exception impose le couvre-feu au faciès.

Les ordres sont clairs, le climat délétère, c’est la guerre,
Ils furent massacrés et noyés sous nos yeux grands ouverts
Nos bouches restent fermées, combien de temps allons-nous nous taire
Perdue la mémoire, il faut rouvrir les tiroirs de notre histoire.

Pacifiques et déterminés hommes et femmes ensemble ils s’avancent,
Papon a délivré, à ses flics casqués, carte blanche,
Réquisitionnés les bus les ont emmenés à Charléty
Ils ont oublié qu’il y a 20 ans d’autres partaient pour Drancy.

Métro Bonne Nouvelle, ou du Pont St-Michel, ils ne reviennent
300 ont disparu, on n’en parlera plus, mais la Seine,
Rougie de leur sang charriera leurs corps pendant des semaines
Badauds, bateliers, vous les avez vus flotter même à Suresnes.

Ami souviens-toi de nos frères jetés à la Seine
Ami souviens-toi quand la haine policière se déchaîne
Ohé, compagnons c’est en ton nom que la loi est prononcée
Ce soir exigeons que sans délai les coupables soient jugés.

 


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