Ils ont les mains blanches


 

Mutins 1907

Montéhus écrit La grève des mères, en 1905, dénonçant la course aux armements, à la guerre, à la mort, ce qui lui vaut les honneurs de la censure, un procès, etc. Relisons le vigoureux refrain : « Refuse de peupler la terre !/Arrête la fécondité !/Déclare la grève des mères !/Aux bourreaux crie ta volonté !/Défends ta chair, défends ton sang !/À bas la guerre et les tyrans ! »

Il reste dans la même veine, en 1910, avec son moqueur et toujours d’actualité On est en république, suivi du cinglant Ils ont les mains blanches, une truculente description/condamnation de nos maîtres : aristo feignant, curé hypocrite et filou, politicard roublard…

Mais, hélas, qu’oppose Montéhus à ces parasites, dans le dernier refrain?

« Ils ont travaillé/Leurs mains n’sont pas blanches/Elles sont meurtries, broyées/Ca sent le courage, la force et l’honneur/Voilà c’qu’on appelle des mains d’travailleurs ! »

Montéhus rate le coche, car le véritable antidote aux infâmes profiteurs dénoncés dans la chanson, c’est la lutte, la résistance, la grève, la révolution… c’est-à-dire une classe en mouvement, en négation de sa situation d’exploitée. Contre cela, les ennemis de la révolution, républicains ou léninistes, vont glorifier le pôle exploité, dans ce qu’on appellera l’ouvriérisme.

Il n’y a aucune gloire à travailler, à se faire humilier, aucun « honneur » à avoir son corps meurtri par l’ouvrage ! Au contraire on doit gueuler toute la honte d’engraisser, à longueur de sous-vie, tous ceux qui profitent du système capitaliste, qui le justifient, l’expliquent, le théorisent, l’encouragent, le camouflent…

Pour prendre un exemple, le même Montéhus, avec sa célèbre chanson de 1907, Gloire au 17ème, dans laquelle, voulant rendre hommage aux soldats refusant de tirer sur leurs frères de classe en lutte, termine ainsi : « Salut, salut à vous/Braves soldats du 17ème/Salut, braves pioupious/Chacun vous admire et vous aime/Salut, salut à vous/A votre geste magnifique/Vous auriez, en tirant sur nous/Assassiné la République. »

Non, c’est l’inverse, la République c’est elle qui envoie l’armée réprimer les vignerons ! Les pioupious ont justement dit merde à cette mascarade, ce mensonge, cette face hideuse du système d’exploitation, à laquelle ils auraient obéi en tirant sur les grévistes.

Hélas, Montéhus a un parcours typique de beaucoup de chansonniers contemporains qui se rallieront, en 1914, à l’union sacrée. Il n’écrira et chantera, pendant quatre ans, que des chansons guerrières, ce qui lui vaut de n’être pas mobilisé et d’obtenir la Croix de guerre, pour services rendus à la nation. Comme quoi, retourner sa veste… ça paye! Dame, pour que l’troupeau accepte d’aller à la mort, il faut ben l’encourager.

Sa chanson de 1923 La butte rouge ne rendra pas à Montéhus sa verve d’avant-guerre ni sa gouaille populaire.


Paroles

Voyez donc cet aristocrate,
Pâle gommeux qui fait des épates,
Il passe sa vie à nocer,
A vingt ans c’est déjà cassé.
Comme une femme ça a des faiblesses,
Ca veut jouer à l’ancienne noblesse,
Incapable de gagner son pain,
Voilà le type du vrai gandin.

Il a les mains blanches,
Les mains maquillées,
Il a les mains blanches,
Par la honte souillées.
Ca sent la paresse, c’est mou, c’est gnan-gnan,
Voilà c’qu’on appelle des mains de feignant !

Voyez donc ces hommes en soutane,
Soi-disant sur eux l’Bon Dieu plane,
Ils prônent Moïse et Jésus-Christ,
Mais font l’contraire de leurs écrits.
Oui Moïse était un apôtre,
Jésus-Christ mourut pour les autres,
Tandis qu’vous, prêtr’s, pasteurs, rabbins,
Votre but, c’est l’or, le butin !

Ils ont les mains blanches,
Les mains maquillées,
Ils ont les mains blanches,
Par l’or elles sont souillées.
Ca sent le tartuffe, l’avare, le gripp’sous
Voilà c’qu’on appelle des mains de filou !

Voyez donc ces hommes politiques,
Vrais paillasses à gueule tragique,
Qui pour aller au Parlement
Au peuple font du boniment :
J’vous promets les r’traites ouvrières,
J’vous promets la fin d’vos misères,
Ils se votent d’abord et comment !
Pour eux-mêmes quarante-et-un francs !

Ils ont les mains blanches,
Les mains maquillées,
Ils ont les mains blanches,
Par la fraude souillées.
Ca sent le roublard, ça sent le malin,
Voilà c’qu’on appelle un poil dans la main !

Voyez donc cette foule tapageuse,
Que’qu’ fois gaie, souvent malheureuse,
Oui ce sont les brav’s ouvriers,
C’est la masse des sacrifiés.
Ils reviennent du bagne de l’usine,
Ils sont pâles, ils ont mauvaise mine,
Hommes et femmes, vrais gueux, meurt-de-faim
Qui engraissent un tas de coquins !

Leurs mains n’sont pas blanches,
Ils ont travaillé,
Leurs mains n’sont pas blanches,
Elles sont meurtries, broyées.
Ca sent le courage, la force et l’honneur,
Voilà c’qu’on appelle des mains d’travailleurs !


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