Nous renvoyons les lecteurs à l’intro du premier Amour, love…, dans notre rubrique Divers, pour l’explication du pourquoi une énième page sur l’amour.
– Les Nonnes Troppo commettent Notre sœur en 1988, prouvant, une fois de plus, qu’amour et humour s’accouplent bien ! Nous avons déjà mentionné ces chères Nonnes, dans Amour, love… 3, dans la rubrique Divers. On les écoute :
https://www.youtube.com/watch?v=MdsjeqeF2to
– En 1999, Michèle Bernard nous offre Je t’aime, un hymne à la puissance de l’amour, à l’opposé de toutes les valeurs de ce monde idiot et inutile :
https://www.youtube.com/watch?v=KyooLswwWYU
– Jacques Prévert, on l’aime bien. Nous avons présenté, entre autres, Ne rêvez pas (la version de la regrettée Catherine Ribeiro!), dans la rubrique Analyses.
Cette fois-ci, penchons-nous sur Cet amour, écrit en 1946, dans Paroles, magnifiquement récité par Serge Reggiani :
https://www.youtube.com/watch?v=AKFaa_zg8Cg
– COSMIC ASS Marilou Poncin est un document proposé par Fannie Sosa, en 2015 :
https://www.youtube.com/watch?v=w4rgqPLEm5U
Même si nous ne partageons par toutes les analyses politiques de Fannie, nous sommes de cœur avec ses dénonciations du capitalisme et son lien avec notre corps physique, charnel, vivant. Ce document suscite réflexions et questionnements. Son apport à la résistance à ce monde brutal et sans plaisir est indéniable. Alors pas un chant de lutte ? Mais le TWERK sans musique n’est rien, n’est-il pas ?
Notre sœur
Notre sœur est amoureuse du garde-barrière,
Elle n’apprécie guère les autres bouseux,
Mais celui-là-même c’est celui-là qu’elle aime
Et même s’il n’y a rien entre eux, tout cela n’est pas très pieux
Oui je sais, je l’aime mais c’est pas carême
Et quand il apporte un cierge, je me sens toute chose,
Même si je l’aime, lui n’est pas bohème,
Il sait que je dois rester vierge et pure comme une rose
Elle l’aime, elle l’aime, même si ce n’est pas très pieux,
Elle l’aime, elle l’aime car il a un beau nez,
Elle l’aime, elle l’aime, quand il me rend visite,
Elle l’aime, elle l’aime car il a une belle veste
La nuit, seule dans sa cellule, elle fait sa prière,
Pas à Notre Père, nous ne sommes pas crédules,
C’est toujours le même dont elle nous bassine
Chaque jour avec peine elle nous enfonce l’épine
Oui je sais, mes sœurs, c’est là mon bonheur
Mais quand je le vois à l’œuvre, mon petit cœur trépigne,
Il lève la barrière et je l’aide à faire
Et quand passe l’arrière du train je lui montre le mien
Et quand passe l’arrière du train, je m’en vais!
Elle l’aime, elle l’aime et quand il fait la quête,
Elle l’aime, elle l’aime, il me montre sa casquette,
Elle l’aime, elle l’aime, chaque jour je répète,
Elle l’aime, elle l’aime, qu’il a de belles rouflaquettes
Notre mère supérieure veut mettre le holà
A tous ces tralala qui lui font vraiment un peu peur,
Désormais le cloître est bien verrouillé
Pour la sœur folâtre et aussi pour son fiancé
Mon Dieu, aidez-moi, je ne suis pas fautive
N’ai-je point le droit, bon d’là, de n’être point craintive
Car enfin Marcel ne m’a point touchée,
Il sait bien que je ne suis pas d’celles dont on peut abuser
Elle l’aime, elle l’aime, je me jetterai dans la marre
Elle l’aime, elle l’aime, pour toucher son bras droit
Elle l’aime, elle l’aime, même si la mère m’vérouille
Elle l’aime, elle l’aime, j’irai toucher ses couilles !
Je t’aime.
Je m’fous du cours du dollar
Je m’fous des jeux de hasard
Même si j’y joue quand même
Je t’aime
On dit: « La bourse ou la vie »
Ben moi, j’ai déjà choisi
Je m’fous du mark et du yen
Je t’aime
Je me fous du prix Goncourt
Je me fous des prix tout court
Les championnats, les grands chelems
Je t’aime
Je m’fous de la météo
Je sais bien l’temps qu’il fait au
Creux d’tes bras doux comme la crème
Je t’aime
Je m’fous des voyages d’affaire
Des colloques, des séminaires
J’fais mes confitures moi-même
Je t’aime
Les conquérants, les gagneurs
Ça m’fait vomir, ça m’fait peur
J’sais pas quelle folie les mène
Je t’aime
S’ils bousillent ce qui restait
Des jardins qu’on habitait
S’ils tarissent nos fontaines
Je t’aime
Mon amour, on mourira
Chacun son tour et ya qu’ça
Qui me pose vraiment problème
Je t’aime
Qui de l’autre fermera
Les yeux quand tout finira
Comme deux p’tits feux qui s’éteignent ?
Je t’aime
Et qui de nous choisira
Paumée à Interflora
La couleur du chrysanthème ?
Je t’aime
Je m’fous pas mal des oracles
Les abrutis du Zodiaque
Disent que t’es pas dans mon thème
Je t’aime
Tu vois on peut rien prévoir
Et puis je m’fous de savoir
Tout c’que j’sais, devine toi-même
Je t’aime
Tout c’que j’sais, devine toi-même
Je t’aime
Cet amour
Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vraie qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.