Luis Rego naît, en 1943, au Portugal, qu’il fuit en 1960, et se réfugie en France, pour échapper au service militaire et son envoi probable en Angola, alors colonie portugaise, en guerre contre le Portugal. Luis Rego est le guitariste du groupe Les Problèmes, créé en 1965, qui accompagne le chanteur Antoine.
Lors d’une tournée au Portugal, en 1966, Luis Rego est arrêté et enfermé pendant deux mois, pour désertion. Pendant son incarcération, ses camarades écrivent la chanson Ballade à Luis Rego, prisonnier politique, qui figurera sur l’album Antoine rencontre les Problèmes, en mai 1966.
Les Problèmes deviendront, toujours en 1966, le groupe célèbre Les Charlots, dont on appréciera le satirique Merci patron, en 1971.
Le régime que fuyait Luis, celui dictatorial de Salazar, était haï et craint et la PIDE, la police politique, emprisonnait, torturait, terrorisait la population. La chanteuse de fado, Amàlia Rodrigues, véritable légende vivante et amie du régime, chante toutefois, en 1962, O Abandono (L’abandon), connue comme le fado de Peniche, du nom de la forteresse où étaient emprisonnés les opposants politiques, dans des quartiers de haute sécurité. La chanson est aussitôt censurée, mais Amàlia Rodrigues ne sera pas inquiétée, le pouvoir pesant le pour et le contre.
En avril 1974, c’est une chanson qui donnera le signal du soulèvement, dit des Œillets, Grandola Vila Morena, de José Afonso. Amàlia Rodrigues sera alors traitée de fasciste et accusée d’avoir dénoncé des collègues, mais le nouveau pouvoir socialiste ne l’inquiétera pas… pesant le pour et le contre !

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la révolution au Portugal, un texte (parmi d’autres) du Collectif Déserteurs de l’Ordre Social Régnant, de juillet-août 1974, qu’on peut lire sur cet excellent site, déjà cité :
https://archivesautonomies.org/spip.php?article542
Paroles
Ballade à Luis Rego, prisonnier politique
Il nous faut partir
Sans t’avoir revu
Sans avoir pu te dire:
Ami, salut!
Nous n’y croyons pas
Pour toi, cependant
Derrière tes barreaux, là-bas
Le ciel est moins grand.
Nous dirons partout
Sur tous les tons
Qu’on t’a pris ta liberté
Et qu’on t’a jeté
Au fond d’une prison
Pour rien, sans raison.
Nous avons dit : Adieu!
A ton père, à ta mère
Il y avait dans leurs yeux
Bien trop de misère
Toi, l’ami du grand vent
Des arbres qui frissonnent
Nous penserons souvent
Aux murs qui t’emprisonnent.
Nous dirons partout
Sur tous les tons
Qu’on t’a pris ta liberté
Et qu’on t’a jeté
Au fond d’une prison
Pour rien, sans raison.
Nous chanterons souvent
Cet air écrit pour toi
Contre tous les tyrans
Contre toutes leurs lois.
O abandono (L’abandon)
Por teu livre pensamento Foram-te longe encerrar Tão longe que o meu lamento Não te consegue alcançar. E apenas ouves o vento E apenas ouves o mar. |
À cause de ta pensée libre Ils t’ont enfermé au loin Si loin que ma plainte Ne peut t’atteindre Et tu entends juste le vent Et tu entends juste la mer. |
Levaram-te a meio da noite A treva tudo cobria. Foi de noite, numa noite De todas a mais sombria. Foi de noite, foi de noite E nunca mais se fez dia |
Ils t’ont emmené au cœur de la nuit Les ténèbres couvraient le monde Il faisait nuit, c’était la nuit La plus sombre de toutes Il faisait nuit, il faisait nuit Et le jour ne s’est plus jamais levé. |
Ai dessa noite o veneno Persiste em me envenenar. Oiço apenas o silêncio Que ficou em teu lugar. Ao menos ouves o vento! Ao menos ouves o mar! |
Ah ! le poison de cette nuit Ne cesse de m’empoisonner Je n’entends que le silence Qui t’a remplacé Au moins, tu entends le vent Au moins, tu entends la mer ! |