Moi aussi


Brigitte Fontaine et Areski Belkacen chantent Moi aussi, en 1972. Le cri bestial du début nous lance tout de suite dans un bain primal : ça va saigner ! Le texte est allégorique bien sûr, mais aussi terriblement réaliste. La réalité, quand elle est chantée sans fard, çà donne çà ! Nous sommes uniquement de la chair à profit, on ne le répète pas assez, on ne le chante pas assez, sur tous les tons, de toutes les manières, dans toutes les langues, comme ici avec ce mélange harmonieux français-kabyle. Et il en est encore qui « croient » à la pureté perdue de la démocratie !

« Ils m’ont crevé les yeux et ils m’ont raconté le film… après » est remarquable de véracité. La réification, la dimension idéologique de la vie sous le capital, a été longuement critiquée par les Situationnistes, dans les années ’60. Souvenons-nous de la phrase : « C’est nous qui faisons l’histoire, c’est la bourgeoisie qui l’écrit ! » La relecture du livre de 1967 de Guy Debord, La société du spectacle ne sera pas inutile, ainsi que les Manuscrits de 1844 de Marx. Cette société spectaculaire nous fait prendre des vessies pour des lanternes, jusqu’à l’écœurement, jusqu’à ce qu’on réoccupe la rue… régulièrement, inexorablement, avec l’ardeur du désespoir, et un monde à gagner.

La période complètement orwellienne actuelle débouchera-t-elle sur une nouvelle vague de lutte, qu’on espère déferlante ? A suivre…

En attendant, écoutons ce cri du cœur… volume fort :


Paroles

Moi
Je mange de la bouse de vache
Y’a bien du pain blanc
Mais c’est
Pour le patron
Moi
Je bois de la pisse de vache
Y’a bien du vin blanc
Mais c’est
Pour le patron

Moi, je.
Moi, je.

Moi aussi, ils m’ont vendu pendant des siècles, moi aussi.
Moi aussi, j’ai été machine dans leurs usines, moi aussi.
Ils m’ont dit: « donne-moi ta montre, j’te donnerai l’heure
quand ça me chantera ».
Ils m’ont dit: « donne-moi ton corps, j’te donnerai un os à
ronger ».
Ils m’ont dit: « donne-moi ton sang, j’te donnerai un cachet
d’aspirine ».

Ils coulent.

Ils m’ont crevé les yeux et ils m’ont raconté le film.
Après.
Ils m’ont mise dans une cage et ils m’ont dit: « Tu voles bas ».
Après.
Ils m’ont écrasé et ils m’ont dit: « T’es une sale bête ».
Après.

Moi aussi, mon amour.
C’est fini, mon amour.
Nous voici, mon amour.
Moi aussi, moi aussi, moi aussi, c’est fini.

 


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