Ce poème est un extrait du roman Yvain ou le chevalier au lion, composé par Chrétien de Troyes à la fin du 12ème siècle.
Cette pièce fait un peu tâche dans l’œuvre de Chrétien, plus tournée vers les louanges au dit « amour courtois ».
Nonobstant, nous nous réapproprions cette complainte en ce qu’elle est une illustration de la condition des travailleuses à cette époque… lamentable, cruelle, injuste… qui rejoint celle de tous les prolétaires, hommes et/ou femmes, de par le monde, à toutes les époques. De tous les opprimés, de tous les exploités.
Il y a un fil rouge de notre condition. Et nous n’hésitons pas à parler de nos sœurs tisserandes, nos frères coolies, nos compagnons de misère de partout et toujours.
Cette compréhension, les sociologues bornés sont incapables de la comprendre, de la sentir, qui préfèrent saucissonner notre histoire, diviser notre humanité, renier l’identité d’exploitation… et récuser par là l’identité de nos révoltes, insurrections et révolutions !
Hétérogénéité des conditions d’exploitation, identité d’action !
La simple description de notre misère n’est pas suffisante, le capital s’en accommode très bien, voire s’en sert… ce qu’il n’aime pas, c’est qu’on mette en avant la nécessité de détruire ce qui nous détruit, depuis trop longtemps… bien avant le 12ème siècle !
Quand nous lisons cette saisissante Complainte des tisserandes, nous sommes en empathie avec ces femmes.
Ecoutons Elsa Zylberstein nous la conter, en 2004 :
Comment ne pas aussitôt mettre en lien leur réalité, « Nous tissons la soie tout le jour/Et jamais n’en sommes mieux vêtues/À jamais pauvres et nues » et celle des tisserands du 19ème siècle, que le Chant des canuts a popularisée ? « C’est nous les canuts/Nous allons tout nus ! »
Cette chanson est écrite en 1894 par Aristide Bruant, en souvenir des révoltes des canuts (travailleurs de la soie de la région lyonnaise) de 1831, 1834 et 1848.
Voir Le chant des canuts, dans la rubrique Analyses.
Voici une version chantée de la Complainte des tisserandes, par le groupe Aëlis, en 2015 :
Paroles
La complainte des tisserandes
Nous tissons la soie tout le jour
Et jamais n’en sommes mieux vêtues
À jamais pauvres et nues
Nous avons faim et soif toujours.
Jamais nous ne pouvons gagner
Assez pour déjeuner
On a à peine notre content
De pain pour manger décemment.
Peu au matin et le soir moins
Et jamais de ses mains
Aucune de nous n’a pour vivre
Assez de deniers pour bien vivre
Et pour cela, nous ne pouvons pas
Avoir à suffisance viande et drap
Car qui gagne à la semaine
Ses sous n’est pas hors de peine
Et nous vivons en grande pauvreté
Quand est riche de nous avoir volé
Celui pour qui nous travaillons
Et des nuits entières, nous veillons.
Chaque jour pour gagner plus encore
Il menace de nous frapper le corps
Et les membres si nous nous reposons
Pour que reposer un peu jamais n’osions.