Fado



Avant de lire cette page dédiée (brièvement) au fado portugais, il est vivement recommandé de lire Ballade à Luis Rego, prisonnier politique, dans la rubrique Analyses.
De 1932 à 1968, le Portugal vit sous la férule dictatoriale de Salazar, haï et craint. La PIDE, la police politique, formée par les services secrets britanniques, emprisonne, torture, terrorise la population.
A la devise du régime pour asservir le peuple portugais : Dieu, Patrie, Famille, les militants ajoutent le triple F : Fado, Fatima, Football ! [1]
Le fado, blues populaire du Portugal, à l’instar du tango argentin, du rebetiko grec, etc., dans leurs régions respectives, a connu, dès l’arrivée de Salazar aux commandes, une systématique, sévère et continue censure. Ne pouvaient être développés que les thèmes insipides et inoffensifs tournant autour de la devise du pouvoir. Avec, en point de mire, la célèbre saudade, cette nostalgie, doucereuse, qui sera battue et rebattue à l’envi et donnera le célèbre triste fado, qui chante (voire s’en délecte ?) le fatalisme, la résignation ! [2]
Pour tous les Etats du monde, qu’on se vautre dans la tristesse, ça ne mange pas de pain, il ne faut juste pas chanter la révolte, la souhaiter, l’attendre, etc.

La chanteuse Amàlia Rodrigues, véritable légende vivante (dans le monde entier) et amie du régime, chante toutefois, en 1962, O Abandono (L’abandon), connue comme le Fado de Peniche, du nom de la forteresse où sont emprisonnés les opposants politiques, dans des quartiers de haute sécurité. La chanson est aussitôt censurée, mais Amàlia Rodrigues ne sera pas inquiétée, le pouvoir pesant le pour et le contre.

En avril 1974, c’est une chanson qui donnera le signal du soulèvement, dit des Œillets, Grandola Vila Morena, de (José) Zeca Afonso. Chanson que le peuple a prise comme idéal de liberté… et que les manifestants contre l’austérité, façon socialiste, entonneront de nouveau dans la rue !

En 1974, Amàlia Rodrigues sera traitée de fasciste et accusée d’avoir dénoncé des collègues musiciens aux bourreaux salazaristes, mais le nouveau pouvoir socialiste ne l’inquiètera pas… pesant le pour et le contre !
En 1975, Luis Llach écrit Abril 74, qu’il chante en catalan :
Lluis Llach, Abril 74 – YouTube
Voir L’Estaca, dans la rubrique Analyses.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la révolution au Portugal, un texte (parmi d’autres) du Collectif Déserteurs de l’Ordre Social Régnant, de juillet-août 1974, qu’on peut lire sur cet excellent site, déjà cité :
Portugal : des déserteurs et des réfractaires prennent la parole – [Fragments d’Histoire de la gauche radicale] (archivesautonomies.org)

Demain sera un autre jour!

En tapant « fado anarchiste » sur internet nous sommes tombés sur une pépite, que nous vous livrons de suite. Le texte défile sur la vidéo en anglais, mais très simple :

[1] Intéressant de se rendre compte que les opposants au capitalisme, sauce germanique, ont utilisé les mêmes initiales pour désigner leur société, lessivée par le triple F : Fressen, Ficken, Fernsehen… qu’on peut traduire par : bouffer, baiser, télévision !
[2] Tout le monde connait la célèbre Sodade de Cesaria Evora… tant appréciée des diasporas lusophones…


Paroles
O Abandono

Por teu livre pensamento
Foram-te longe encerrar
Tão longe que o meu lamento
Não te consegue alcançar.
E apenas ouves o vento
E apenas ouves o mar.
À cause de ta pensée libre
Ils t’ont enfermé au loin
Si loin que ma plainte
Ne peut t’atteindre
Et tu entends juste le vent
Et tu entends juste la mer.
Levaram-te a meio da noite
A treva tudo cobria.
Foi de noite, numa noite
De todas a mais sombria.
Foi de noite, foi de noite
E nunca mais se fez dia
Ils t’ont emmené au cœur de la nuit
Les ténèbres couvraient le mondeIl faisait nuit, c’était la nuit
La plus sombre de toutes
Il faisait nuit, il faisait nuit
Et le jour ne s’est plus jamais levé.
Ai dessa noite o veneno
Persiste em me envenenar.
Oiço apenas o silêncio
Que ficou em teu lugar.
Ao menos ouves o vento!
Ao menos ouves o mar!
Ah ! le poison de cette nuit
Ne cesse de m’empoisonner
Je n’entends que le silence
Qui t’a remplacé
Au moins, tu entends le vent
Au moins, tu entends la mer !

Grândola vila morena

Grândola, vila morena
Terra da fraternidade
O povo é quem mais ordena
Dentro de ti, ó cidade

Dentro de ti, ó cidade
O povo é quem mais ordena
Terra da fraternidade
Grândola, vila morena

Em cada esquina um amigo
Em cada rosto igualdade
Grândola, vila morena
Terra da fraternidade

Terra da fraternidade
Grândola, vila morena
Em cada rosto igualdade
O povo é quem mais ordena

À sombra duma azinheira
Que já não sabia sua idade
Jurei ter por companheira
Grândola a tua vontade

Grândola a tua vontade
Jurei ter por companheira
À sombra duma azinheira
Que já não sabia sua idade

Grândola, ma ville brune
Belle terre fraternelle
C’est le peuple qui dispose
Et règne sur toi, ma ville

Au travers de toi, ma ville
Ton peuple règne et dispose
Belle terre fraternelle
Grândola, ma ville brune

Partout un ami se lève
Tous égaux sont les visages
Grândola, ma ville brune
Belle terre fraternelle

Belle terre fraternelle,
Grândola, ma ville brune
Tous égaux sont les visages
C’est le peuple qui dispose

Grândola, à l’ombre fraîche
D’un chêne vert séculaire
J’ai juré que pour compagne
Ta volonté serait mienne

Ta volonté sera mienne
Et tu seras ma compagne
Car je l’ai juré sous l’ombre
D’un chêne vert séculaire

Abril 74

Camarades si vous savez où dort la lune blanche
dites-lui combien je la désire,
mais que je ne peux encore venir la rejoindre
car il faut encore livrer combat.

Camarades si vous savez où se cache la sirène,
là-bas par-delà les mers, un jour j’irai la voir
mais il faut encore livrer combat.

Et si un triste sort m’arrête et que je tombe à terre
portez tous mes chants et un bouquet
de fleurs vermeilles
à l’être que j’ai tant aimé,
si nous gagnons le combat.

Camarades si vous cherchez les printemps libres
Alors j’irai avec vous,
Car c’est pour pouvoir les vivre
que je me suis fait soldat.

Et si un triste sort m’arrête et que je tombe à terre
portez tous mes chants et un bouquet
de fleurs vermeilles
si nous gagnons le combat.

Camarades si vous cherchez les printemps libres
alors j’irai avec vous,
car c’est pour pouvoir les vivre
que je me suis fait soldat.

Et si un triste sort m’arrête et que je tombe à terre
portez tous mes chants et un bouquet
de fleurs vermeilles
à l’être que j’ai tant aimé
quand nous gagnerons le combat.


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