Lettre à la République



Kery James écrit ce rap en 2012. Cette lettre ouverte est importante.
Le racisme est vraiment une plaie dans notre société. Kery James y va frontalement et parle « d’Arabes et de Noirs », victimes du racisme occidental, à la française. Nous souscrivons complètement à cette dénonciation.
Le capital est fondamentalement raciste. De façon contradictoire, il vend le racisme au citoyen français (gardons cet exemple national, mais la démonstration est valable partout dans le monde), blanc occidental, mais achète la force de travail aux émigrés, parce que moins chère : « Les immigrés c’n’est que la main d’œuvre bon marché. » Ceci fait le lit des gens d’extrême-droite et du PCF (rappelons-nous les bulldozers staliniens, à Vitry, en 1981) qui en font leur fond de commerce.

C’est la même chose avec les chômeurs, créés par le capital comme 1- armée industrielle de réserve, 2- pression sur les salaires à la baisse, 3- épouvantail social. Et de nouveau, le citoyen très moyen préfère cracher sur le chômeur que sur son propre patron ! Diviser pour régner…
La dénonciation de Kery James est forte et juste. Mais les Arabes et les Noirs ne sont pas les seules victimes du racisme. Relisons Les Ritals de Cavanna (1978) pour voir que le racisme en France est solidement implanté. Tous ceux d’origine espagnole, portugaise, vietnamienne, polonaise, etc., ont vécu la même chose, en leur temps.
La condamnation du chanteur cible la « France », mais… et les « Français » ? Kery James a le mérite de s’interroger : « Est-ce que les Français ont les dirigeants qu’ils méritent? »
La question est délicate : d’un côté oui, le citoyen obéissant a le régime qu’il mérite, mais tous les autres qui ont la nationalité française, dont beaucoup d’origine étrangère ?
Le danger antiraciste est d’oublier les classes sociales, sur base d’une réalité souvent plus difficile des émigrés. Mais que penser des Français d’origine étrangère qui bénissent la République et ses valeurs ? Ceux qui dénoncent les jeunes banlieusards ? Et ceux qui sont flics ?
Bien sûr, « Pilleurs de richesses, tueurs d’Africains/Colonisateurs, tortionnaires d’Algériens », mais les bourgeoisies locales complices ? Nous avons vu lors du printemps arabe une fracture nette, brutale, entre ceux qui luttent et ceux qui répriment, soutenus par une partie de la population.
Lettre à la République crache sur la dimension idéologique du racisme et ses lamentables justifications. Mais d’un autre côté, elle promeut une soumission à une autre idéologie, la religion. Nous pensons qu’il n’y a aucune fierté à être musulman, chrétien, juif, bouddhiste… Les gens soumis à une religion, donc une église, un dogme, des règles, etc., renforcent leur ennemi. On l’a vu en Egypte lors du printemps arabe, les autorités musulmanes se sont vite acoquinées avec l’armée… contre le danger social ! Les chefs religieux musulmans, juifs, chrétiens, etc., sont tous d’accord, ils œuvrent tous contre la révolte, le désordre, la désobéissance ! Voir Beau comme une église qui brûle dans la rubrique Divers.
Nous préférons quand Kery James met en avant la réalité sociale : « On oppose les communautés, pour cacher la précarité. » La précarité chez les Blancs, comme chez les Noirs ou les Arabes ! C’est très important, ça ! « En pleine crise économique, il faut un coupable. » Bien sûr, mais Macron pointe plus les « Gaulois » que les émigrés, depuis novembre 2018.
Le capitalisme ne respecte que les prolétaires dociles, travailleurs, honnêtes et apeurés. « Comment aimer un pays, qui refuse de nous respecter » peut s’adresser à tous ceux qui vivent et souffrent en France… et qui résistent. Des luttes dans les banlieues, en 2005, au mouvement des Gilets jaunes, à partir de novembre 2018, des millions de prolos se sont soulevés et « la France » ne les respecte évidemment pas ! Elle ne les respecte d’ailleurs pas non plus quand ils ne luttent pas ! Voir Gilets jaunes, dans la rubrique Divers.

Alors, oui, crachons sur le mythe républicain, sur le racisme, mais sans renforcer d’autres idéologies pernicieuses, communautaristes, religieuses ou autre.
Loin de nous l’idée de minimiser la réalité sociale des populations d’origine étrangère, noires et arabes principalement, mais notre objectif doit dépasser la simple photographie sociologique et se tourner vers la lutte qui réunit tous ceux qui se retrouvent ensemble sur le terrain. C’est ça la vraie fraternité.
Lettre à la République fait du bien, ça secoue, ça interroge, ça affirme clairement les choses donnant prise à une discussion franche, entre exploités de toutes origines… qui n’ont que leurs chaînes à perdre, toutes leurs chaînes… et c’est ça qui effraie les possédants, les nantis et leurs laquais politiques. A bas la France !


Paroles

À tous ces racistes à la tolérance hypocrite
Qui ont bâti leur nation sur le sang
Maintenant s’érigent en donneurs de leçons
Pilleurs de richesses, tueurs d’Africains
Colonisateurs, tortionnaires d’Algériens
Ce passé colonial c’est le vôtre
C’est vous qui avez choisi de lier votre histoire à la nôtre
Maintenant vous devez assumer
L’odeur du sang vous poursuit même si vous vous parfumez
Nous les Arabes et les Noirs
On n’est pas là par hasard
Toute arrivée a son départ!
Vous avez souhaité l’immigration
Grâce à elle vous vous êtes gavés, jusqu’à l’indigestion
Je crois que la France n’a jamais fait la charité
Les immigrés c’n’est que la main d’œuvre bon marché
Gardez pour vous votre illusion républicaine
De la douce France bafouée par l’immigration africaine
Demandez aux tirailleurs sénégalais et aux harkis
Qui a profité d’qui?
La République n’est innocente que dans vos songes
Et vous n’avez les mains blanches que de vos mensonges
Nous les Arabes et les Noirs
On n’est pas là par hasard
Toute arrivée a son départ!
Mais pensez-vous qu’avec le temps
Les Négros muteraient, finiraient par devenir Blancs?
Mais la nature humaine a balayé vos projets
On ne s’intègre pas dans le rejet
On ne s’intègre pas dans les ghettos français, parqués
Entre immigrés, faut être sensés
Comment pointer du doigt le repli communautaire
Que vous avez initié depuis les bidonvilles de Nanterre
Pyromane et pompier, votre mémoire est sélective
On n’est pas venu en paix, votre histoire est agressive
Ici, on est mieux que là-bas, on le sait
Parce que décoloniser pour vous c’est déstabiliser
Et plus j’observe l’histoire, ben moins j’me sens redevable
Je sais c’que c’est d’être Noir depuis l’époque du cartable
Bien que je n’sois pas ingrat, j’n’ai pas envie de vous dire merci
Parce qu’au fond c’que j’ai, ici, je l’ai conquis
J’ai grandi à Orly dans les favelas de France
J’ai fleuri dans les maquis j’suis en guerre depuis mon enfance
Narcotrafic, braquage, violence, crimes!
Que font mes frères si c’n’est des sous comme dans Clearstream?
Qui peut leur faire la leçon? Vous?
Abuseurs de biens sociaux, détourneurs de fond
De vrais voyous en costard, bande d’hypocrites!
Est-ce que les Français ont les dirigeants qu’ils méritent?
Au cœur de débats, des débats sans cœur
Toujours les mêmes qu’on pointe du doigt dans votre France des rancœurs
En pleine crise économique, il faut un coupable
Et c’est en direction des musulmans que tous vos coups partent
J’n’ai pas peur de l’écrire, la France est islamophobe
D’ailleurs plus personne ne s’en cache dans la France des xénophobes
Vous nous traitez comme des moins que rien sur vos chaînes publiques
Et vous attendez de nous qu’on s’écrie « vive la République! »
Mon respect s’fait violer au pays dit des Droits de l’Homme
Difficile de se sentir Français sans le syndrome de Stockholm
Parce que moi je suis Noir, musulman, banlieusard et fier de l’être
Quand tu m’vois tu mets un visage sur c’que l’autre France déteste
Ce sont les mêmes hypocrites qui nous parlent de diversité
Qui expriment le racisme sous couvert de laïcité
Rêvent d’un français unique, avec une seule identité
S’acharnent à discriminer, les mêmes minorités
Face aux mêmes électeurs, les mêmes peurs sont agitées
On oppose les communautés, pour cacher la précarité
Que personne ne s’étonne si demain ça finit par péter
Comment aimer un pays, qui refuse de nous respecter
Loin des artistes transparents, j’écris c’texte comme un miroir
Que la France s’y regarde si elle veut s’y voir
Elle verra s’envoler l’illusion qu’elle se fait d’elle-même
J’suis pas en manque d’affection
Comprends que j’n’attends plus qu’elle m’aime!

 


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