Mé Swasannsèt



Le 20 mars 1967, à Basse-Terre, un commerçant, patron local de l’UNR gaulliste, lâche son chien contre un artisan noir infirme. Colère de la population. Trois jours durant, c’est l’émeute à Basse-Terre.
Le 26 mai, les ouvriers du bâtiment sont en grève. Ils réclament une augmentation de 2,5% et se rassemblent massivement, rejoints par de nombreux jeunes, devant la Chambre de commerce de Pointe-à-Pitre, place de la Victoire. Un des patrons békés (patrons blancs) déclare alors : « Quand les nègres auront faim, ils céderont. » Devant le racisme et la morgue patronale, la fureur des manifestants est à son comble. Certains se saisissent de conques, de gros coquillages, et les lancent sur les gardes mobiles.
Sans sommations, les forces de l’ordre ouvrent le feu. La fusillade continue les jours suivant, le bilan officiel parle de 5 à 8 morts et d’une centaine de blessés. Mais pour rétablir l’ordre colonial, il fallait plus de sang, bien plus. L’État français fait donner la troupe. Toute la nuit et deux jours durant, CRS, gardes mobiles et légionnaires ont pour ordre de tuer : entre 87 et 200 morts seront relevées.
En 2008, sur l’album Rékolt, Emmanuel Réveillé, alias Biloute, écrit (avec Rudy Mango) et chante, en créole guadeloupéen, Mé Swasannsèt :

Faisant véritablement œuvre de devoir de mémoire, Emmanuel nous livre là une page de notre histoire sociale terrifiante. Notre histoire car nous sommes de cœur avec nos frères de Guadeloupe, et de partout, quand ils se révoltent et nous haïssons les forces de l’ordre, de partout et de toujours.
Camarades, écoutez la chanson, lisez le texte, renseignez-vous sur cette tragédie et dispatchez cette page !
Merci Emmanuel de t’être mouillé politiquement, artistiquement et socialement pour nous faire connaître ce pan de notre histoire, évidemment inconnu.
En février 1974, c’est en Martinique que le même scénario se répète : des ouvriers en grève, pour une vie décente, se font assassiner par des gendarmes déshumanisés !
On connaît ce massacre, grâce à Kolo Barst, qui, en créole haïtien, nous livre Févriyé 74, en 2004 :

Le texte en créole et en français se trouve ici :
OKI | Kolo Barst – Févriyé 74 | Paroles et Traductions
Voir aussi Arrête mal palé, écrite en créole guadeloupéen, ainsi que Puerto Montt, dans la rubrique Analyses.


Paroles

Mé Swasannsèt

La Gwadloup an danjé
Pitit a’y ka tonbé
Kè a-li ka sennyé
“CRS” ka tiré

Nou té an mé 6
Pitit an-mwen té ja fin pwan fwèt
Té ka travay té mal péyé
Yo désidé révandiké
Mové labitid ka rézisté
zò sav Anba jouk a lèsklavaj
Odya moun té ka touché
Rèvandiké pa menm palé
Refrain

c 26 é 27 Mé 67
A pa pou di sé té okowèt
Men sitiyasion-la té ja byen bandé
Pitit an-mwen pa té vlé kyoulé
Békè menm té ja égri
Pa ka vwè rézon machandé
Yo vin touvé yo dépasé
Yo désidé kriyé lawmé
Refrain

26 é 27 Mé 67
jouné-la té pou mal touné
“CRS” té ja débaké
antoutjan té pou ni difé
Pèp an-mwen désann mannifèsté
pitit a nèg-mawon pa ka kyoulé
Danjé, pitit an-mwen an danjé
séèrès désidé tiré
Refrain

c Sété an mé diznèf san swasannsèt
Gwadloupéyen tonbé asasiné
Jous apwézan ponmoun pa péyé
konsi sa pa jen èkzisté
Lèspwi a-yo toujou toumanté
fò déklaré la vérité
Vérité pou lé mawtirizé
pou yo touvé sérénité
Refrain

c Rèvandiké pa menm palé
Désidé kriyé lawmé
“CRS” désidé tiré
Pou yo touvé sérénité

Mai 67

La Guadeloupe est en danger
Ses enfants meurent
Son coeur saigne
Les CRS sont en train de tirer

On étai en mai 67
Mes enfants n’étaient plus esclaves
Ils travaillaient, mais étaient sous-payés
Ils ont décidé d’aller revendiquer
Mais les mauvaises habitudes perdurent, vous savez
Que sous le joug de l’esclavage
Il n’était pas question de salaire
Aller revendiquer c’était encore pire
Refrain

26 et 27 mai 67
On peut pas dire que c’était le Koweit
Mais la situation était déjà bien tendue
Mes enfants ne voulaient pas renoncer
Les Békés, eux-mêmes, déjà aigris
Ne voyaient aucune raison de négocier
Ils se sont retrouvés dépassés
Ils ont décidés de faire appel à l’armée
Refrain

26 et 27 mai 67
Cette journée devait mal tourner
Les CRS avaient déjà débarqué
Ca ne pouvait que mal se passer
Mon peuple est descendu manifester
Les fils de nègres marrons ne reculent pas
Danger, mes enfants sont en danger
Les CRS ont décidé de tirer
Refrain

C’était en mai 1967
Des Guadeloupéens sont tombés assassinés
Pour ce jour-là personne n’a payé
Comme si ça n’avait jamais existé
Leurs esprits sont toujours tourmentés
Faut réclamer la vérité
La vérité pour les martyrisés
Pour qu’ils trouvent la sérénité
Refrain

Pour qu’ils trouvent la sérénité
Revendiquer, c’était encore pire
Faut réclamer la vérité
Pour qu’ils trouvent la sérénité

 


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